Marseille, port de transit pour les émigrants italiens (années 1860-1914)

L’importance numérique de l’émigration italienne n’est plus à démontrer. De 1876, année à partir de laquelle l’Italie commence à chiffrer numériquement l’émigration jusqu’à la Première Guerre mondiale[1], ce sont plus de 14 millions d’Italiens qui quittent leur pays[2]. Se destinant à tous les continents, avec une préférence pour l’Europe et l’Amérique, la majorité  entreprend, tel un « Ulysse collectif »[3], un périple maritime au départ de Gênes, Naples, et Palerme. Le pic des départs est atteint entre 1905 et 1913, années lors desquelles on dénombre régulièrement plus de 700 000 départs, voire plus de 800 000 à la veille de la Première Guerre mondiale[4]. Les compagnies maritimes italiennes[5], dont la Navigazione generale italiana, mais aussi des compagnies étrangères affrétant des navires au départ des ports italiens, en retirent d’importants bénéfices, consacrant une grande part de leur activité à la navigation transatlantique et au transport d’émigrants vers l’Amérique du Nord et l’Amérique Latine[6]. Pour autant, ces routes ne sont ni directes ni linéaires, et c’est à l’examen d’une des escales ponctuant le voyage des émigrants italiens que cet article est consacré.

On connaît bien Marseille comme destination privilégiée de l’émigration italienne. L’histoire des Italiens dans la ville a fait l’objet de travaux classiques récemment renouvelés[7].  Environ 16 000 en 1851, les Italiens sont plus de 90 000 en 1901. Dans une perspective correspondant aux tendances majoritaires dans l’historiographie française[8], l’histoire de Marseille a largement été écrite comme celle d’une porte d’entrée de la France, à la fois port d’accueil et ville cosmopolite[9]. Cette importance présence italienne conjuguée à une approche historique privilégiant l’étude de l’immigration et de l’intégration des étrangers en France a contribué à occulter une autre réalité : Marseille n’est pas qu’un lieu d’arrivée, elle est aussi un point de départ – vers la Provence ou d’autres villes du littoral méditerranéen français – et plus encore un port de transit pour les voyageurs[10]. En effet, si dans les années 1850 85% l’émigration française se fait au départ du Havre, en 1885 le port normand ne réunit plus que 50% des voyageurs au départ, puis 42% en 1887. Progressivement, Marseille voit son trafic augmenter sur la période pour devenir le premier port d’émigration à partir de 1887[11].

L’étude du transit des Italiens à Marseille suppose de modifier le regard habituellement porté sur la présence italienne dans cette ville. Ce renouvellement de la perspective s’inscrit dans un changement de paradigme en sciences sociales qui a vu, au cours des deux dernières décennies, l’accent porter davantage sur les migrations et les circulations que sur l’immigration et l’intégration[12]. L’histoire des migrations se veut donc aujourd’hui une histoire des échanges humains, économiques, culturels et politiques, mais aussi une histoire des circulations et des retours[13].

L’histoire du transit des Italiens à Marseille est pourtant encore une terra incognita. Le poids de l’historiographie dominante jusque dans les années 2000 explique en grande partie ce manque d’intérêt pour la fonction de transit de Marseille, même si quelques jalons ont été posés[14]. Un autre obstacle réside dans l’existence d’un corpus de sources de qualité inégale, constitué principalement par le fonds des archives départementales des Bouches-du-Rhône rassemblant les documents relatifs au contrôle policier de l’émigration En effet, l’administration du Second Empire légifère à plusieurs reprises afin de contrôler les flux de voyageurs au départ de la France, qui jouit, grâce à son interface maritime atlantique et méditerranéenne, d’une position privilégiée en Europe. Les deux principales dispositions sont le décret de 1855, relatif à l’émigration européenne, et la loi du 16 juillet 1860 dite « loi sur l’émigration »[15]. Outre la définition d’un statut légal pour l’émigrant, la création d’agences d’émigration reconnues par l’État et la mise en place de normes concernant les conditions de transport des voyageurs, ces textes placent le contrôle de l’émigration sous l’égide du ministère de l’Intérieur et de son personnel (préfets, sous-préfets, commissaires de police), secondés par des commissaires de police spécialisés dans les questions d’immigration et d’émigration à Paris et dans plusieurs villes et ports. À Marseille, cette tâche, d’abord confiée à la police municipale, échoit à partir de 1868 à un commissaire à l’émigration, qui, après avoir été supprimé en 1870, est rétabli en 1878[16]. Les fonds constituant le corpus sont donc produits par l’administration policière en charge de contrôler l’émigration à Marseille. Il s’agit essentiellement de listes de passagers visées par le commissaire à l’émigration, d’échanges de courriers avec le ministère, la préfecture, les consuls étrangers présents à Marseille, de documents relatifs aux agences d’émigration et, plus rarement aux migrants. Le point de vue est donc partiel, demande à être complété par d’autres sources qui demeurent à trouver, notamment du point de vue des migrants, mais il permet tout de même de dégager un premier tableau retraçant l’histoire du transit des émigrants italiens dans la ville entre les années 1860 et la Première Guerre mondiale.

Nous privilégierons ici une approche générationnelle et chronologique, en mettant en lumière trois moments de cette histoire : les années 1860 sont celles des pionniers, le transit des émigrants italiens étant encore assez faible et peu organisé ; les années 1880 constituent un temps fort pour des flux désormais structurés et conséquents ; enfin les années 1900 représentent une décennie de recul, d’autres populations en transit venant supplanter les Italiens.

 

  1. Le temps des pionniers (années 1860)

Dans les années 1860 l’émigration italienne au départ de Marseille reste confidentielle, ne représentant que quelques centaines d’individus par an : 571 en 1863[17], 696 en 1864[18], 638 en 1865[19], 714 en 1866[20]. Le phénomène s’accroît considérablement à la fin de la décennie puisqu’on relève 1.019 émigrants pour le seul mois de novembre 1869[21]. Quoiqu’il en soit, Marseille ne capte donc qu’une infime partie des émigrants italiens à cette période.

L’escale marseillaise trouve sa logique dans un ensemble de situations complexes articulant les choix individuels et leurs déterminants socio-économiques ainsi que le contexte de développement d’une économie atlantique du transport de passagers qui crée une concurrence et une émulation entre les divers ports méditerranéens et européens[22]. Nous ne nous attarderons pas sur les premiers, même si l’importance des stratégies individuelles est désormais reconnue dans l’étude des migrations en sciences sociales[23]. Nous nous intéresserons ici aux différentes routes qui mènent les émigrants à Marseille[24]. Il y a d’abord les émigrants pour lesquels Marseille n’est qu’une escale dans le voyage entre l’Italie et l’Amérique, escale prévue au départ, le plus souvent de Gênes ou de Naples, et liée aux impératifs commerciaux de la compagnie maritime qui les achemine et à laquelle ils ont acheté leur billet. C’est le cas, dans les années 1860, des paquebots de la Société générale des transports maritimes à vapeur qui partent de Gênes et font escale à Marseille[25]. Il y a ensuite les émigrants qui, passant par une agence d’émigration, se procurent un billet au départ de l’Italie et à destination de Marseille. Arrivés dans cette ville, ils doivent s’adresser aux agences d’émigration locales, correspondantes des agences italiennes et étroitement liées aux compagnies maritimes marseillaises, pour se procurer un billet pour la suite de leur voyage. La moitié d’entre eux environ est expédiée par voie de mer, l’autre moitié par voie de chemin de fer, via Bordeaux ou Le Havre vers les destinations transatlantiques. Enfin, il y a les Italiens qui gagnent la France à pied, par les vallées alpines ou par la côte, ou qui sont déjà présents dans la région marseillaise, et qui sollicitent les agences pour acheter leur billet. Tous doivent bien évidemment disposer de la somme nécessaire au voyage, mais également présenter des passeports en bonne et due forme, ainsi que, pour les jeunes hommes, prouver qu’ils se sont acquittés de leurs obligations militaires. Ces conditions n’étant pas toujours réunies, on assiste, dès les années 1860, à l’émergence d’une émigration clandestine, parfois dévoilée lors de l’escale marseillaise. En 1862, plusieurs émigrants clandestins italiens, dont six âgés de 16 à 20 ans et tentant vraisemblablement d’échapper à la conscription, sont ainsi arrêtés, trouvés en possession de passeports qui ne leur appartiennent pas ou voyageant sans passeport[26].

En outre, cette génération de pionniers, bien qu’elle voyage en théorie avec un statut légal – celui de l’émigrant – et soit placée, à Marseille, sous la surveillance d’un personnel dédié – les commissaires de police en charge des ports et des chemins de fer puis de l’émigration – se trouve parfois victime d’abus liés à la juteuse économie représente le transport d’émigrants. Dès 1861 les autorités marseillaises sont saisies d’une affaire relative à des émigrants napolitains se rendant à Rio de Janeiro qui, « n’ayant payé à l’embarquement qu’une partie de leur passage, le reste devant être soldé au capitaine lors de l’arrivée à destination » et étant dans l’impossibilité de payer se sont vu débarquer sans leurs bagages, dans un état de « dénuement aussi préjudiciable pour eux que peu acceptable pour le pays qui les a reçus »[27]. Les conditions de la traversée sont, elles aussi, le plus souvent mauvaises, comme le montre la plainte de plusieurs Italiens effectuant la traversée Gênes-Buenos Aires via Marseille contre le capitaine du navire, plainte évoquant la mauvaise qualité des vivres, leur insuffisance et les mauvais traitement subis de la part de l’équipage[28]. Il est vrai que la plupart des émigrants voyage en 3e classe, voire sur le pont, et que les normes d’aménagement des bateaux commencent juste à être appliquées à cette période[29]. Enfin, l’existence d’intermédiaires comme les agences d’émigration multiplie les occasions de fraudes, d’absence de respect des contrats ou d’erreurs dans les dates ou les destinations.

Afin de mieux comprendre qui sont ces émigrants, nous avons étudié un échantillon de 282 passagers sur les 696 émigrants rapportés pour l’année 1864[30]. Leur identité et leur destination sont précisément connues grâce aux listes de nominatives visées par la police marseillaise avant le départ. Sur cet échantillon 177 (63%) embarquent pour Buenos Aires (Argentine), 105 (37%) pour Rio de Janeiro (Brésil). Une majorité écrasante de ces émigrants est de nationalité italienne (83%). Ils proviennent principalement de la province de Salerne, notamment des villages de Battaglia, Cerletta ou Lagonegro, mais également des provinces de Gênes, Milan, Padoue ou Turin.

Cette émigration se compose en très grande majorité d’hommes jeunes, la plupart ayant entre 20 et 35 ans.  Sur ces 282 émigrants, on ne compte que quelques femmes, de même que très peu d’enfants. Les femmes voyagent rarement seules, elles sont majoritairement accompagnées de leur mari ou d’un membre de leur famille. Les mineurs voyagent également en famille. En septembre 1864, embarquent trois générations d’une même famille à destination de Buenos Aires. Andrea et Angela Macagno (42 et 38 ans) emmènent la mère d’Andrea (Maria-Francesca) et leurs 4 fils (Pio, Marino, Francesco, et Giovanni âgés de 14, 12, 10 et 8 ans)[31]. Les hommes voyagent le plus souvent seuls, même s’il n’est pas rare de rencontrer des groupes d’hommes d’un même village, relation parfois doublée d’une relation de parenté voire d’une homogénéité professionnelle. Ainsi, les frères Caputo, Pasquale et Domenico, 38 et 44 ans, exerçant la profession de chaudronnier, originaires de Podesia commune du sud de la Campanie, embarquent tous deux en septembre 1864 sur le Berthe, à destination de Rio de Janeiro. Sur ce même navire, voyagent aussi quelques membres de la famille Ema : deux frères (Archangelo et Pietro) serruriers originaires de Teggiano, en Campanie, et l’épouse de ce dernier, Anna Maria[32].

Dans notre échantillon, la profession la plus fréquemment mentionnée est celle de journalier (54 individus) puis viennent les cultivateurs et agriculteurs (40), les chaudronniers (21) les manœuvres, maçons terrassiers (12) suivis d’une quantité de professions de l’artisanat (boulanger, cordonnier, serrurier), du service (domestiques, garçons de café ou d’hôtel, cuisinier), ou de professions qualifiées (écrivains, étudiants, musiciens, doreur). On relève aussi la présence de quelques soldats ou anciens militaires, de même que celle de quelques négociants et propriétaires. La grande majorité de ces émigrants italiens transitant par Marseille est donc constituée de travailleurs manuels. L’émigration représente pour eux l’espoir de construire ailleurs une vie meilleure. Alors que l’immigration italienne à Marseille à la même époque est très largement le fait de Piémontais[33], et se caractérise par un profil sociologique similaire, l’originalité de cette émigration réside dans l’origine méridionale et dans la forte représentation des chaudronniers[34]. Il s’agit d’une véritable filière émigrant par Marseille[35]. Provenant pour l’essentiel d’entre eux des environs de Salerne (Moliterno, Vibonati), ils arrivent directement d’Italie par voie de mer, vraisemblablement au départ de Naples, font escale à Marseille et partent ensuite pour le Brésil – tous ont Rio de Janeiro pour destination – pour y exercer leur profession. Beaucoup d’entre eux restent au Brésil 5 ou 6 ans puis rentrent dans leur pays enrichis de quelques milliers de francs[36]. Une concurrence s’exerce à Marseille pour le contrôle des filières de chaudronniers entre l’agence d’émigration légale autorisée en 1861, seule habilitée en théorie à fournir des billets aux émigrants sur des navires devant faire l’objet d’une déclaration[37], et des maîtres chaudronniers marseillais qui, à l’arrivée des bateaux en provenance d’Italie, jouent le rôle de rabatteurs et « entraînent les émigrants dans leur domicile », les prenant en charge contre une rémunération qui s’apparente à un racket pour ceux dont la traversée et ses frais sont déjà payés[38].

Ainsi, Marseille s’affirme comme port d’émigration dans les années 1860. La première agence d’émigration y est créée en 1861, le commissaire à l’émigration y est institué en 1868. Ce léger retard par rapport aux trois principaux ports d’émigration français de l’époque, Bordeaux, Bayonne et Le Havre, n’est pas sa seule originalité. L’émigration y est, dès le départ, marquée par un très fort taux de départ des étrangers et, parmi eux, des Italiens[39]. Par ailleurs, on aura pu noter la place des méridionaux parmi ceux-ci, présence qui, si elle étonne dans un premier temps au vu de la forte dimension septentrionale et terrestre de l’émigration italienne à cette époque[40], peut être expliquée par l’existence d’une filière régionale et professionnelle originale.

 

  1. Le temps des masses (années 1880)

Le contraste entre les années 1880 et les années 1860 réside en premier lieu dans le nombre d’émigrants concernés. En 1880, année pour laquelle on dispose des relevés statistiques complets à l’exception du mois de décembre, environ 9 000 émigrants sont partis de Marseille par voie de mer, à peu près autant par voie de chemin de fer vers les ports du Havre, de Bordeaux et d’Anvers[41]. L’Italie connaît alors le début de la Grande émigration, avec, selon les années, 100 000 à 200 000 départs par an dans cette décennie. L’escale marseillaise a donc renforcé son importance, puisque la ville voit le passage d’un peu plus de 18 000 Italiens sur les 119 000 ayant quitté leur pays en 1880, soit près de 16% du total, sans tenir compte des clandestins ni des émigrants non déclarés[42]. Marseille se place désormais en deuxième position parmi les ports français, après Le Havre et devant Bordeaux[43]. Elle le doit en grande partie au passage des émigrants italiens. On peut en effet parler d’une émigration italienne de masse au départ de Marseille, les Italiens représentant plus de 90% des passagers[44], alors qu’ils ne sont que 39% des émigrants au départ des ports français[45].

La traversée de l’Atlantique s’effectue toujours pour moitié par bateau au départ de Marseille, pour moitié par voie de chemin de fer et par bateau au départ d’un autre port, le billet acheté en Italie ou à Marseille prenant en compte la correspondance. Pour ce qui est des expéditions maritimes, on compte habituellement deux ou trois départs par mois au départ de Marseille en 1880 : un vers Buenos Aires, un vers Vera Cruz (Mexique) ou Colon (Panama), parfois les deux. Le navire vers Buenos Aires arrive de Gênes et Naples avec à son bord des Italiens, parfois des Suisses et des Autrichiens en petit nombre. La très grande majorité des passagers embarque en Italie. Minoritairement, des Français et des Italiens (arrivés par voie de terre ou présents dans la ville) embarquent lors de l’escale marseillaise[46]. En ce qui concerne les expéditions par voie de chemin de fer, elles sont en augmentation, en raison de la rationalisation du trafic transatlantique au départ de la France. La Compagnie générale transatlantique embarque ainsi ses passagers à destination de l’Amérique du Sud sur les paquebots de la Compagnie des chargeurs réunis au Havre[47].

Les sources disponibles pour 1880 ne permettent pas d’établir un profil démographique et sociologique des émigrants italiens d’une précision comparable à celui de 1864. Le commissariat à l’émigration se contente en effet pour 1880 d’effectuer ce travail pour les émigrants français. Cette focalisation sur les Français résulte d’une part d’une préoccupation et d’une demande des pouvoirs publics, soucieux de ne pas voir le pays se dépeupler de ses travailleurs[48]. D’autre part, et malgré la mise en place progressive en Italie d’une législation sur l’émigration[49], la masse d’Italiens arrivant à Marseille sans passeport dépasse vraisemblablement les capacités d’un commissariat à l’émigration rétabli dans la ville en 1878[50].

La prolétarisation de l’émigration italienne semble toutefois se renforcer, en particulier pour l’émigration rurale. En 1879 le commissaire remarque que cette émigration a pour cause principale « la misère générale qui se signale de tous côtés en Italie. Les prolétaires y sont nombreux et les possesseurs du sol, en présence des lourds impôts qui grèvent la propriété ne les occupent point ou leur donnent des salaires si minimes que la vie leur est impossible. De là ce besoin dévorant d’aller au loin à la recherche d’un travail, qui lorsqu’il existe, est toujours bien payé et leur permet, vu leur sobriété, de ramasser un petit pécule »[51]. Les variations saisonnières constatées dans l’émigration italienne sont d’ailleurs mises en rapport avec l’activité agricole dans les régions de départ : la baisse de juillet et août 1879 « tient sans doute à l’époque des récoltes et moissons qui ont en ce moment lieu en Italie et en Europe »[52].

Une telle masse de migrants représente à l’évidence un marché attisant les convoitises. L’économie de l’émigration à Marseille apparaît, dans ces années 1880, à la fois mieux structurée et mieux organisée, l’émigrant étant la plupart du temps le parent pauvre de cette industrie rémunératrice. Le recrutement des émigrants est, par exemple, organisé à grande échelle. Des prospectus diffusés en Italie font état des propositions tarifaires et des destinations proposées des compagnies maritimes. Les représentants des agences françaises en Italie recrutent les émigrants sur place, les expédient par Gênes ou Naples avec un billet pour Buenos Aires avec pour consigne de se rendre auprès de leurs correspondants à Marseille pour s’enquérir du billet pour la seconde partie du voyage. On assiste alors à des fraudes, consistant à réclamer une somme pour ce second voyage, alors qu’il est parfois déjà payé, ou à faire attendre les émigrants à l’escale de Marseille, les places manquant à bord des navires[53]. En 1888, le commissaire à l’émigration est ainsi saisi par treize émigrants italiens, les uns ayant signé un contrat à une agence à Modane, les autres à l’agence Depas à Marseille, pour partir à Buenos Aires le 20 janvier. Le départ étant retardé, le commissaire intervient afin de permettre aux émigrants de se voir rembourser de leurs billets[54]. Les autorités marseillaises surveillent également un certain nombre d’agents de recrutement, comme Nestore Siciliano, un Italien connu pour recruter des émigrants en Italie dans la province de Naples dans des conditions douteuses. En 1887, ce dernier aurait recruté 329 émigrants, touchant 53 000 francs pour le prix de leur passage, somme dont il n’a restitué que la moitié pour l’achat des billets. Les passagers, embarqués à Naples, restent bloqués plusieurs mois à Marseille avant de pouvoir partir grâce à l’action du commissaire à l’émigration auprès de l’agence d’émigration[55]. À ces exactions s’ajoutent les conditions du voyage, toujours difficiles, comme en témoignent les efforts des autorités marseillaises pour faire respecter les dispositions sanitaires des navires transportant des émigrants[56]. Mais les conditions de l’escale à Marseille présentent également leurs difficultés. Le logement de fortune se fait parfois à quai ou sur les navires, comme cela se produit en 1878 pour les passagers du Pepino[57], ou dans des auberges vouées au logement des émigrants de passage et dont les tarifs pratiqués ne garantissent aucunement le confort du séjour. La presse italienne se fait l’écho de ces différentes embuches sur le chemin des émigrants. À Marseille, le commissaire à l’émigration dispose au cours de l’année 1887 de traductions de deux coupures de journaux avertissant les candidats à l’émigration des pratiques des « spéculateurs avides se disant agents d’émigrations mais dont l’unique objectif est celui de gagner en spéculant de la bonne foi de nos pauvres gens des campagnes »[58], les mettant en garde contre des « prédateurs de chère humaine »[59] et exhortant les autorités italiennes à plus de fermeté.

En 1880, Marseille est donc devenue un grand port d’émigration à l’échelle nationale, mais également le premier port de départ des Italiens pour l’Hexagone. Les autorités locales ainsi que la Chambre de commerce sont conscients de la nécessité de rationaliser et de contrôler cette masse émigrante afin de maintenir une activité dont les retombées financières sont évidentes. La concurrence guette, comme l’analyse le commissaire à l’émigration lorsqu’il constate une baisse du nombre d’émigrants au départ de Marseille entre les mois d’octobre 1879 et octobre 1880 : « La cause peut en être attribuée à la création en Italie de lignes Anglaises et Allemandes, qui partent tous les mois directement pour les Amériques, Nord et Sud et diminuent ainsi le nombre de passagers qui eussent pris la voie de Marseille »[60]. La solution semble résider dans la spécialisation : « Vu l’importance de ce mouvement qui va grossir les bénéfices des centres d’émigration précités, il serait à désirer que le commerce local, entrant résolument en concurrence avec les armateurs du Nord établît de nouvelles lignes, ou bien que laissant au Nord le monopole des régions septentrionales de l’Amérique, il diminuât ses prix de transport de façon à centraliser à Marseille les expéditions sur l’Amérique du Sud et les Antilles » note le commissaire à l’émigration en 1879[61]. Dans une certaine mesure, cette analyse est visionnaire. Malgré l’ouverture d’une ligne Marseille New-York par la Compagnie Fabre en 1881, la ville se voit sévèrement concurrencée par les ports italiens et du nord de l’Europe. Or, dans les années 1900, débute la grande vague d’émigration italienne vers les États-Unis[62].

 

  1. Des passagers parmi d’autres (années 1900)

Au début du XXe siècle, Marseille est le premier port d’émigration français. Les Italiens ne constituent plus toutefois l’immense majorité des passagers comme cela pouvait être le cas dans les années 1880.

Les sources sont lacunaires pour cette période et ne permettent pas, dans l’état actuel de cette recherche, d’évaluer précisément le volume et la composition de l’émigration au départ de Marseille au début du XXe siècle. Nous devons donc nous contenter d’une estimation. Des données sont disponibles pour l’année 1893, lors de laquelle les autorités policières comptabilisent 91 341 départs pour 100 554 arrivées[63]. Les premières années du XXe siècle correspondant au point culminant de l’immigration transatlantique, on peut supposer que le volume d’émigration au départ de Marseille dans les années 1900 est d’environ 100 000 passagers par an. En vingt ans, depuis les années 1880, le trafic des passagers à Marseille a donc continué d’augmenter. Par ailleurs, ces chiffres permettent de prendre la mesure du transit des passagers dans la ville, bien supérieur en volume à l’immigration vers celle-ci.

Alors qu’au début du XXe siècle les Italiens atteignent près de 20% de la population de la ville et la très grande majorité de sa population étrangère, la population en transit à Marseille présente un visage plus varié et des accents plus exotiques. Le 14 octobre 1902, l’agence d’émigration Desbois envoie 33 émigrants à Bordeaux pour le compte de la Compagnie des Messageries Maritimes afin d’embarquer pour le Brésil à bord du Campinas dont le départ est prévu trois jours plus tard[64]. Parmi ces émigrants, sept sont des Italiens, six cultivateurs et un commerçant. La majorité des passagers (24) sont des « Syriens »[65]. Un seul est Grec. Le même phénomène se vérifie si l’on observe la composition des navires de la Société Générale des Transports Maritimes qui relient, parfois au départ d’Italie, Marseille à l’Amérique du Sud avec de fréquentes escales sur les côtes espagnoles puis d’Afrique occidentale. Pour le mois de janvier 1907, deux d’entre eux proviennent d’Italie et font escale à Marseille, trois sont affrétés au départ de cette ville. Parmi ces derniers, l’Aquitaine, sur lequel embarquent 233 émigrants le 20 janvier. 73 sont Italiens et 120 sont « Syriens »[66]. Marseille capte désormais une partie de l’émigration en provenance des divers sous-ensembles de l’Empire ottoman, au départ de Tripoli ou de Beyrouth, mais aussi l’émigration grecque, qui prennent une importance considérable, notamment à destination des États-Unis, à la fin du XIXe siècle[67]. Ces nouvelles migrations y sont désormais numériquement supérieures à l’émigration italienne.

Cette évolution qualitative du trafic s’explique par les orientations générales de l’émigration italienne et par les mutations touchant le monde des compagnies maritimes. En effet,  l’émigration italienne, si elle se dirige majoritairement vers l’Amérique latine avant les années 1890, et notamment vers l’Argentine, s’oriente désormais principalement vers les États-Unis[68]. De fait, les lignes au départ de l’Italie se sont fortement développées, à la faveur d’un accord passé en 1906 entre les principales compagnies italiennes – la Navigazione Generale Italiana et La Veloce – des compagnies allemandes – l’Hamburg Amerika Line, la Norddeutscher Lloyd –, d’une compagnie française – la Compagnie Fabre – ainsi que des compagnies anglaises – l’Anchor Line et la White Star Line[69]. Cet accord permet une harmonisation des plannings et des tarifs et constitue un facteur d’accélération de l’émigration au départ de l’Italie vers les États-Unis. L’année 1907 marque d’ailleurs un pic avec plus de 400 000 arrivées d’Italiens à Ellis Island[70]. Naples figure parmi les quatre principaux ports de départs de ces derniers avec Brême, Liverpool et Hambourg et à l’exclusion de Marseille[71]. La plus grande partie de l’émigration italienne échappe donc désormais au port de Marseille. Par ailleurs, et comme le montre l’exemple des ports italiens, les ports méditerranéens se voient investis par des compagnies maritimes étrangères, souvent du nord de l’Europe, qui profitent de la forte demande d’émigration en provenance de l’ensemble du bassin méditerranéen. Si celle-ci a toujours été majoritaire en direction de l’Amérique latine, elle constitue l’essentiel de la seconde vague d’immigration vers l’Amérique du Nord, en particulier vers les États-Unis, à partir des années 1880[72]. Marseille n’échappe pas à cette tendance. Ainsi « la Norddeutscher Lloyd et Cie […] vient de signer un accord avec la Cie Allemande du Levant déjà établie en Méditerranée, pour créer à partir du mois de mai prochain une ligne de circumnavigation dans le bassin Méditerranéen desservant Marseille, Gênes, Naples, Le Pirée, Smyrne, Mytilène, Constantinople, Odessa et Batoum » souligne le commissaire spécial de Marseille dans un rapport de 1906[73]. La création de ce type de lignes contribue à nourrir un transit des émigrants en provenance de tout le bassin méditerranéen et plus seulement d’Italie. L’augmentation de l’émigration moyen-orientale découle elle-même du durcissement de la politique de l’Empire ottoman envers les minorités chrétiennes qui provoque un départ massif de celles-ci au départ du Liban et de la Syrie à partir des années 1890[74].

Réduite à la portion congrue dans la grande vague migratoire des Italiens vers les États-Unis, l’escale marseillaise conserve néanmoins une certaine importance vers d’autres destinations. En 1909 par exemple, l’attention des autorités marseillaise est attirée sur une filière d’émigration italienne vers la Tunisie[75]. Le Protectorat, desservi par les Compagnies Transatlantique et Touache, accueille alors mensuellement 50 à 100 Italiens partis de Marseille. Ces derniers sont en très grande majorité des Siciliens et des Sardes[76]. Selon un procédé classique qui voit les émigrants s’adresser prioritairement à leurs compatriotes – ces derniers constituant des réseaux de rabatteurs, de logeurs et d’employeurs très efficaces[77] – ces Italiens sont logés à Marseille à l’hôtel des frères Dorta, rue Mazenod. Ils sont de là adressés à un nommé Pavefisio à Tunis, qui leur procure du travail. La plupart s’embauchent aux mines de Kalaat es Senam, de Metlaoui et Redeyef[78]. Cette filière italienne vers la Tunisie au départ de Marseille concurrence directement celle qui relie Palerme et Cagliari à Tunis par les compagnies italiennes Florio et Rubbattino[79]. Outre ces liens privilégiés avec l’Afrique du Nord, les acteurs de l’économie de l’émigration à Marseille encouragent des initiatives commerciales garantissant des niches. Ainsi, au cours de l’année 1906, intervient un accord entre la Compagnie du Canal de Panama, la Compagnie Transatlantique et l’agence marseillaise d’émigration Desbois qui vise à établir un service d’émigration gratuit entre la France et Colon au départ de Marseille. « Cette émigration a pour but de diriger sur le centre Amérique des travailleurs terrassiers, pouvant être occupés aux travaux de creusement du canal. Le recrutement pour le Sud de la France et l’Italie a été confié à l’agence Desbois de Marseille et le transport à Colon est effectué par la Cie Transatlantique par Bordeaux le 26 et par Saint Nazaire le 12 de chaque mois. Du 25 octobre à ce jour, un millier d’émigrants sont partis pour cette destination par l’intermédiaire de l’agence de Marseille – presque tous sont de nationalité italienne » se satisfait le commissaire spécial de Marseille[80].

 

  1. Conclusion

Marseille est bien un port de transit pour les Italiens entre les années 1860 et la Première Guerre mondiale, mais un port d’une importance relative. Même si le volume des émigrants italiens de passage atteint plusieurs dizaines de milliers de personnes par an à la fin du XIXe siècle, il demeure une infime part de l’énorme flux d’émigration qui caractérise l’Italie à la même période.

En revanche, trois éléments d’originalité peuvent être soulignés au terme de cette première approche. D’une part, le transit d’individus en provenance du sud de l’Italie est précoce à Marseille. Il se caractérise par ailleurs par l’existence de filières professionnelles, comme celle des chaudronniers, bien instituées dès les années 1860. D’autre part, Marseille a été le principal port français de transit pour les Italiens au cours de cette période, ce qui a été déterminant dans les années 1880 et lui a permis de supplanter Le Havre en raison de l’importance de cette vague migratoire. Enfin, le cas du transit des Italiens à Marseille se démarque par une certaine singularité dans de l’histoire de l’émigration italienne. À la précocité dans la vague migratoire en provenance du Sud s’ajoute le reflux du tournant des XIXe et XXe siècle. À cette période, l’émigration italienne la plus massive se fait majoritairement au départ de la Péninsule et contourne en grande partie l’escale marseillaise.

Le mécanisme du transit des émigrants italiens à Marseille ne diffère pas de celui des autres émigrants, dans la mesure où il repose sur les modes de fonctionnement sociaux et économiques habituels de la migration. Les Italiens se logent chez des compatriotes, trouvent du soutien auprès de réseaux régionaux présents à Marseille, subissent comme les autres émigrants les pratiques déviantes de certains acteurs de l’économie de l’émigration[81]. Peut-être, en raison de la forte présence italienne dans la ville, cette étape est-elle privilégiée ou ce transit rendu moins périlleux que pour d’autres émigrants. Cette hypothèse reste à vérifier en exploitant d’autres sources.

[1]           Donna R. Garcia, Dirk Hoerder et Adam Walaszec, Émigration et construction nationale en Europe 1815-1939, dans Citoyenneté et émigration. Les politiques du départ, sous la direction de Nancy Green e François Weil, Paris, Editions de l’EHESS, 2006, pp. 67-94.

 

[2]           Sans évoquer l’abonante bibliographie consacrée à ce sujet on pourra se référer pour le détail des chiffres à Museo nazionale emigrazione italiana, sous la direction d’Alessandro Nicosia e Lorenzo Principe, Roma, Gangemi Editore, 2009, p. 52.

 

[3]           Expression empruntée à Storia dell’emigrazione italiana, II, Arrivi, sous la direction de Piero Bevilacqua, Andreina De Clementi e Emilio Franzina, Rome, Donzelli, 2002, p. XIII.

 

[4]           Museo nazionale emigrazione italiana, cit., p. 52.

 

[5]           Tomaso Gropallo, Navi a vapore ed armamenti italiani dal 1818 ai giorni nostri, Borgo San Dalmazzo, Istituto grafico Bertello, 1958.

 

[6]           Pierangelo Campodonico, Armatori ed emigranti sulla rotta Genova-New-York, dans L’America ! Da Genova a Ellis Island il viaggo per mare negli anni dell’emigrazione italiana 1892-1914, a cura dell’Associazione Promotori Musei del Mare e della Navigazione, Genova, Sagep Editori, 2012, pp. 48-61.

 

[7]           Au sein d’une abondante bibliographie voir : Pierre Milza, Français et Italiens à la fin du XIXe siècle. Aux origines du rapprochement franco-italien, Rome, Ecole française de Rome, 1981 ; Migrance : histoire des migrations à Marseille, sous la direction d’Émile Temime, I, Aix-en-Provence, Edisud, 1989 ; Stéphane Mourlane et Céline Regnard, Empreintes italiennes. Marseille et sa région 1840-1940, Lyon, Lieux Dits, 2013.

 

[8]           Gérard Noiriel, Histoire de l’immigration en France. État des lieux, perspectives d’avenir, « Hommes et migrations », 1255 (2005), pp. 38-48.

 

[9]           Sur l’histoire des représentations de Marseille voir Marseille. Éclats (s) du mythe, sous la direction de Véronique Dallet-Mann, Florence Bancaud et Marion Picker, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2013 et Les Batailles de Marseille. Immigration, violences et conflits, XIXe-XXe siècles, sous la direction de Stéphane Mourlane et Céline Regnard, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2013.

 

[10]          Le transit peut être défini comme le passage par un territoire en direction d’un autre territoire, c’est au XIXe siècle qu’émerge l’usage du mot transit pour désigner des individus séjournant quelque part sans y rester longtemps. Cf. Les mots de l’immigration, sous la direction de Sylvie Aprile e Stéphane Dufoix, Paris, Belin, 2009, p. 361. S. Mourlane et C. Regnard, Empreintes italienne, cit., pp. 34-35

 

[11]          Camille Maire, En route pour l’Amérique. L’odyssée des émigrants en France au XIXe siècle, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1993.

 

[12]          Pour une synthèse on pourra se reporter à Samuel L. Baily, Immigrants in the Lands of Promise. Italians in Buenos Aires and New York City 1870-1914, Ithaca, Cornell University Press, 1999 ; Des Pyrénées à la Pampa. Une histoire de l’émigration d’élites XIXe-XXe siècles, sous la direction de Laurent Dornel, Pau, Presses de l’Université de Pau et des pays de l’Adour, 2012 ; Etienne Piguet, Les théories des migrations. Synthèse de la prise de décision individuelle, « Revue européenne des migrations internationales » 29, 3 (2013), pp. 141-161 ; Migrations et mutations de la société française. L’état des savoirs, sous la direction de Marie Poinsot et Serge Weber, Paris, La Découverte, 2014.

 

[13]          Migrations de retour et de rapatriement, « Revue européenne des migrations internationales », 29, 3 (2013) ; Mark Wyman, Round-Trip to America. The Immigrants Return to Europe 1880-1930, Ithaca, Cornell University Press, 1993.

 

[14]          Léo Carta, L’Agence Reynaud. Une agence d’émigration à Marseille, Mémoire de Master en histoire contemporaine, Université d’Aix-Marseille, 2013.

 

[15]          François Weil, L’Etat et l’émigration en France, dans Citoyenneté et émigration. Les politiques du départ, cit., pp. 119-135.

 

[16]          Emile Temime, Immigration et police portuaire à la fin du XIXe siècle. Le cas de Marseille, in Police et migrants. France, 1667-1939, sous la direction de Marie-Claude Blanc-Chaléard, Caroline Douki, Nicole Dyonet, Vincent Milliot, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001, p. 251-262.

 

[17]          Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Marseille (ADBdR) 4 M 2146, note du commissaire au ministre de l’Intérieur, 26 janvier 1865.

 

[18]          Ibid.

 

[19]          ADBdR 4 M 2146, note du commissaire au ministre de l’Intérieur, 20 mars 1866.

 

[20]          ADBdR 4 M 2146, note du commissaire au ministre de l’Intérieur, 29 avril 1867.

 

[21]          ADBdR 4 M 2146, note du commissaire de l’émigration au préfet, 6 décembre 1869.

 

[22]          Labor Migration in the Atlantic Economies : The European and North American Working Classes during the Period of Industrialization, edited by Dirk Hoerder, Westport CT, Greenwood Press, 1985 ; Leslie Page Moch, Moving Europeans : Migration in Western Europe since 1650, Bloomington, Indiana University Press, 1992.

 

[23]          Ewa Morawska, The Sociology and Historiography of Immigration, dans Immigration Reconsidered : History, Sociology and Politics edited by Virginia Yans-Mc-Laughlin, New York, Oxford University Press, 1990, pp. 187-238 ; E. Piguet, Les théories des migrations. Synthèse de la prise de décision individuelle, cit.

 

[24]          Augusta Molinari, Porti, trasporti, compagnie, dans Storia dell’emigrazione italiana, I, cit., pp. 237-256.

 

[25]          ADBdR 4 M 2146, note du président de la chambre de commerce pour le préfet, 10 avril 1868.

 

[26]          ADBdR 4 M 2146, rapport du commissaire du port au commissaire central le 25 septembre 1862.

 

[27]          ADBdR 4 M 2146, lettre du préfet de police au sénateur le 27 août 1861.

 

[28]          Ibid.

 

[29]          C. Maire, En route pour l’Amérique !, cit. p. 84.

 

[30]          ADBdR 4 M 2146, manquent les listes pour les mois de janvier, mars, juin, novembre, décembre.

 

[31]          Ibid.

 

[32]          Cette immigration par réseaux villageois et familiaux est tout à fait habituelle dans le cas des Italiens. Samuel L. Baily The village Outward Approach to the Study of Social Networks : A Case Study of the Agnonesi Diaspora Abroad 1885-1989, « Studi Emigrazione », 105 (1992), pp. 43-68.

 

[33]          S. Mourlane et C. Regnard, Empreintes italiennes, cit.

 

[34]          On appelle chaudronnier l’artisan qui fabrique le chaudron mais aussi celui qui recouvre de métal toute pièce industrielle.

 

[35]          Samuel L. Baily montre qu’en Italie les agents recruteurs jouent un grand rôle dans les villages et contribuent à constituer des filières migratoires : Immigrants in the Lands of Promise, cit., p. 49.

 

[36]          ADBdR 4 M 2146, note du 18 janvier 1865 relative aux passagers partis en 1864, commissaire spécial au commissaire central.

 

[37]          Sur les agences d’émigration voir C. Maire, En route pour l’Amérique !, cit.

 

[38]          ADBdR 4 M 2146, plainte de Charles Lepré au sénateur des Bouches-du-Rhône, 23 juin 1863.

 

[39]          La proximité avec l’Italie explique cette singularité. À Bordeaux en 1859, les Français représentent 57% des passagers embarqués. Au Havre les Italiens ne représentent que 1,2% des étrangers embarqués, les Allemands représentant la grande majorité de ces derniers. Cf. ADBdR 4 M 2146, rapport à son excellence le ministre de l’intérieur sur l’émigration, années 1859 et 1860, Paris, imprimerie impériale, 1861, pp. 8-9.

 

[40]          Les régions septentrionales fournissent alors la majorité des émigrants. Cf. Museo nazionale emigrazione italiana, cit., p. 56.

 

[41]          ADBdR 4 M 2150, statistiques mensuelles des émigrants français et étrangers embarqués à Marseille.

 

[42]          Ibid. et Museo nazionale emigrazione italiana, cit., p. 52. L’émigration non déclarée correspond aux départs sur les navires ne faisant pas l’objet d’une déclaration en tant que navire d’émigration et donc d’un contrôle par les forces de police. La déclaration n’est pas obligatoire en dessous de 40 passagers. Cf. Décret n° 887 du bulletin officiel n°917, 9 mars 1861, article 6 : « tout navire qui reçoit à bord quarante émigrants est réputé spécialement affecté à l’émigration ».

 

[43]          ADBdR 4 M 2149, mouvement de l’émigration en France, années 1875 et 1877, rapport à M. le Ministre de l’Intérieur, Paris, Imprimerie nationale, 1879, p. 12.

 

[44]          ADBdR 4 M 2150, statistiques mensuelles des émigrants français et étrangers embarqués à Marseille.

 

[45]          ADBdR 4 M 2149, mouvement de l’émigration en France, années 1875 et 1877, rapport à M. le Ministre de l’Intérieur, Paris, Imprimerie nationale, 1879, p. 13.

 

[46]          ADBdR 4 M 2150, statistiques mensuelles des émigrants français et étrangers embarqués à Marseille.

 

[47]          ADBdR 4 M 2149, rapport du commissaire à l’émigration au préfet, octobre 1879.

 

[48]          La France évite d’encourager l’émigration de ses citoyens, sauf pour coloniser l’Algérie. Cette attitude se trouve renforcée à la fin du siècle par une volonté de soutenir un accroissement démographique faible, cf. Aristide Zolberg, La Révolution des départs, dans Citoyenneté et émigration, cit., pp. 37-64.

 

[49]          Maria Rosario Ostuni, Leggi e politiche di governo nell’Italia liberale e fascista, dans Storia dell’emigrazione italiana, I, cit. pp. 309-319.

 

[50]          ADBdR 4 M 2150 : « Ces passagers [les Italiens] nous arrivent à Marseille les mains vides, et c’est ici, dans nos agences, que se régularise leur situation », le commissaire d’émigration au préfet, 6 janvier 1880.

 

[51]          ADBdR 4 M 2149, rapport du commissaire à l’émigration au préfet, décembre 1879.

 

[52]          ADBdR 4 M 2149, rapport du commissaire à l’émigration au préfet, septembre 1879. Sur l’émigration rurale voir Piero Bevilacqua, Società rurale e emigrazione, dans Storia dell’emigrazione italiana, I, cit., pp. 95-110.

 

[53]          ADBdR 4 M 2150, rapport du commissaire à l’émigration au préfet, 6 mars 1878.

 

[54]          ADBdR 4 M 2151, procès-verbal du commissaire à l’émigration, 2 février 1888.

 

[55]          ADBdR 4 M 2151, affaire du Lake Champlain, 1887.

 

[56]          ADBdR 4 M 2151, certificats de visite sanitaire des navires.

 

[57]          ADBdR 4 M 2149, le Pepino, navire en escale à Marseille transportant environ 70 Italiens vers les Antilles, reste bloqué plusieurs mois dans le port de Marseille avec ses passagers en raison de la fuite de l’agent d’émigration avec la somme perçu pour les billets. Ce n’est que le rachat du bateau par un négociant français, et le paiement par celui-ci des frais induits par la nourriture des émigrants durant toute la traversée, qui permet leur départ pour le Guatemala. Cf. Rapport du commissaire de police du 16e arrondissement au commissaire central le 11 avril 1878.

 

[58]          ADBdR 4 M 2151, traduction du journal « Il Piccolo » publié à Naples le 18 janvier 1887.

 

[59]          ADBdR 4 M 2151, traduction du journal, « Il Corriere della Mattina », daté du 17 janvier 1887.

 

[60]          ADBdR 4 M 2150, rapport du commissaire à l’émigration au préfet, novembre 1880.

 

[61]          ADBdR 4 M 2149, rapport du commissaire de l’émigration au préfet, 5 janvier 1879.

 

[62]          Andreina De Clementi, La « grande emigrazione » : dalle origini alla chiusura degli sbocchi americani, dans Storia dell’emigrazione italiana, I, cit., pp. 187-212.

 

[63]          ADBdR 4 M 2153, état numérique des passagers partis et arrivés à Marseille pendant l’année 1893, 19 avril 1894.

 

[64]          ADBdR 4 M 2153, listes de passagers du Campinas départ le 17 octobre 1902 de Bordeaux.

 

[65]          Nom utilisé dans les sources pour désigner les habitants d’un sous-ensemble de l’Empire ottoman. Les relations entre Marseille et cette région sont anciennes, notamment les relations commerciales avec les « échelles du Levant ». cf. Du savon à la puce. L’industrie marseillaise du XVIIIe siècle à nos jours, sous la direction de Xavier Daumalin, Nicole Girard et Olivier Raveux, Marseille, Jeanne Laffitte, 2003 ; Charles Carrière, Négociants marseillais au XVIIIe siècle, Marseille, Institut historique de Provence, 1973.

 

[66]          Nous empruntons cet exemple à Migrance, sous la direction d’É. Temime, I, cit., p. 23.

 

[67]          Frederick Binder e David Reimers, All Nations under Heaven, New York, Columbia University Press, 1995, p. 104 ; Stephen A. Flanders, The Atlas of American Migration, New York, Facts on File, 1998, pp. 155-161.

 

[68]          S.L. Baily, Immigrants in the Lands of Promise, cit., p. 54

 

[69]          L’America ! Da Genova a Ellis Island, cit. p. 57.

 

[70]          Museo nazionale emigrazione italiana, cit., p. 52.

 

[71]          Roger Daniels, Coming to America. A History of Immigration and Ethnicity in American Life, New York, Harper Collins, 1990 [2002], p. 186.

 

[72]          Ibid., p. 185-188.

 

[73]          ADBdR 1 M 722, rapport du commissaire spécial de Marseille, 30 mars 1906.

 

[74]          S.A. Flanders, The atlas of American Migration, cit. p. 160

 

[75]          ADBdR 4 M 2153, rapport du commissaire spécial de Marseille au ministre de l’Intérieur, 23 novembre 1909.

 

[76]          Sur l’émigration italienne en Tunisie voir Romain H. Rainero, Les Italiens dans la Tunisie contemporaine, Clemency, Publisud, 2002 ; Mémoires italiennes de Tunisie, sous la direction de Silvia Finzi, Tunis, imprimerie Finzi, 2000.

 

[77]          L’importance des réseaux dans les processus migratoires a été mise en évidence de manière théorique dès les années 1960 par John S. Mac Donald et Leatrice D. Mac Donald qui montrent que l’acte de migrer crée du capital social qui, en retour entretient la migration : Chain Migration Ethnic Neighborhood Formation and Social Networks, « The Milbank Memorial Fund Quarterly », 42, 1 (1964), pp. 82-97. Pour une discussion sur la notion de chaînes migratoires et de réseaux voir : Franc Sturino, Italian Emigration : Reconsidering the Links in Chain Migration, dans Arrangiarsi : The Italian Immigration Experience in Canada, sous la direction de Roberto Perin et Franc Sturino, Montréal, Guernica Editions, 1989, pp. 63-90.

 

[78]          Ibid. Les toponymes ont été corrigés. Les mines de Kalaat es Senam sont des mines de charbon. Celles de Metlaoui et de Redeyef sont des mines de phosphate. Le gisement, découvert en 1885, commence à être exploité industriellement en 1896. Cf. Jacques Levainville, Ressources minérales de l’Afrique du Nord, « Annales de Géographie », 182 (1924), pp. 151-166.

 

[79]          Ibid.

 

[80]          ADBdR 1 M 722, rapport du commissaire spécial de Marseille, 15 décembre 1906.

 

[81]          S. Mourlane et C. Regnard, Empreintes italiennes, cit., pp. 20-37.